Il y a un an et demi, en mai 2024, ConsoTrust, spécialiste de l’intelligence artificielle pour la conformité, le traitement et l’analyse des informations produits rejoignait le groupe AGENA3000. Au cœur de la qualité de la donnée produit, rencontre avec Julien DOYEN et Julien BOYER, co-fondateurs de ConsoTrust.
Qu’est-ce qui vous a inspiré à créer ConsoTrust, d’où vient cette idée ?
« Au départ, ConsoTrust n’a pas été notre première idée. Parents d’enfants allergiques, notre première démarche a été de créer une application pour aider les consommateurs allergiques et intolérants aux aliments à trouver des produits compatibles avec leurs restrictions.
En créant cette application et en sollicitant des données auprès des industriels et des distributeurs, nous nous sommes rendu compte que la donnée était de très mauvaise qualité, à tel point que l’on ne pouvait pas lancer une application sans risque.
Ayant cette compétence, nous avons mis en place des contrôles sur les informations allergènes afin de vérifier la cohérence par rapport aux listes d’ingrédients. Ces contrôles ont intéressé les industriels et les distributeurs qui nous envoyaient des données et c’est comme ça qu’est né ConsoTrust.
En parallèle de l’application Allergobox*, nous avons créé une plateforme : ConsoTrust pour faire de la validation et de la mise en conformité de données.
Dans un premier temps, notre périmètre s’étendait aux allergènes, comme c’était notre premier champ d’action. Petit à petit, au fil des demandes des industriels et des distributeurs nous sommes allés sur d’autres attributs : les informations réglementaires, les informations logistiques... Notre champ d’action est ainsi devenu bien plus étendu que les allergènes de départ.
Nous matérialisation cette activité de contrôle à travers ConsoTrust depuis 2019. »
*Allergobox : portail web gratuit, dédié aux allergies et intolérances alimentaires.
Pouvez-vous nous détailler les enjeux majeurs auxquels ConsoTrust répond via ses services et à qui ils s’adressent ?
« Sur ConsoTrust on peut lister 3 enjeux majeurs :
- La qualité de la donnée : une donnée fiable en conformité avec la réglementation. Si on parle d’allergène par exemple, il ne doit pas mettre le consommateur en risque.
- La productivité : chez les industriels la gestion des données se fait encore de manière très manuelle, il y a beaucoup de saisie. L'objectif est de pouvoir automatiser les traitements comme l’acquisition de données par extraction de documents par exemple, ou de calculer automatiquement les enrichissements de sorte que les opérateurs n’aient pas à les saisir.
- Apporter des services aux métiers de l’entreprise : pour faire du benchmark, pour améliorer ses recettes, pour piloter les environnements concurrentiels de ses produits, pour stimuler ses innovations... Ce sont des cas d’usages que l’on peut proposer uniquement si la donnée est de bonne qualité. »
Concrètement, quelles sont les conséquences d'une mauvaise qualité de données produits ?
« Les impacts d’une mauvaise qualité de données sont exponentiels, puisqu’il faut gérer de plus en plus de données. De plus, aujourd’hui il y a davantage d’attributs attachés à un produit qu’il y a une dizaine d’années, donc plus il y a d’attributs, plus il y a la possibilité de commettre une erreur, et plus il y a des impacts liés à ces erreurs.
Les impacts sont de différents ordres :
- Impact réglementaire : les informations doivent être exactes, dans le cadre de la réglementation INCO*, avec un risque de pénalité par les pouvoirs publics, donc un risque financier
- Impact santé et consommateur : avec les allergènes le risque peut aller jusqu’au décès, c’est la hantise de tout industriel
- Impact image : avoir un produit avec des informations qui ne correspondent pas, ce n’est pas très sérieux. Si on oubli de déclarer un additif, par oubli ou mégarde, le consommateur va penser que l’on n’est pas transparent.
- Impact commercial : les consommateurs peuvent utiliser ces informations pour faire des choix, exemple avec l’application consommateurs Yuka, si mes informations sont erronées dedans, je peux avoir un score moins bon. »
*INCO : Le règlement INCO (information sur les denrées alimentaires à destination du consommateur) est une réglementation de l'Union européenne (UE) qui établit les exigences en matière d'information alimentaire destinée aux consommateurs.
Constatez-vous un intérêt grandissant des entreprises concernant la qualité de leurs données produits ?
« Oui, un intérêt croissant, mais surtout une véritable prise de conscience. La qualité de la donnée n’est plus un sujet “annexe” réservé aux équipes informatiques : elle est désormais stratégique, car elle conditionne la conformité réglementaire, la performance commerciale et la confiance des consommateurs.
Pendant longtemps, les entreprises ont vu la donnée comme un simple support au packaging ou à la vente en ligne. Aujourd’hui, elle est au cœur de leur responsabilité : une donnée erronée peut générer des pénalités, un rappel produit, ou dégrader l’image de marque. Les contrôles se renforcent, les exigences des distributeurs aussi, et les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la transparence et à la cohérence des informations.
On observe également une maturité nouvelle chez les industriels, qui comprennent que la qualité de la donnée n’est pas seulement un coût, mais un levier de productivité et de compétitivité. En améliorant la fiabilité et l’automatisation de leurs flux de données, ils gagnent du temps, réduisent les erreurs et valorisent mieux leurs produits.
Enfin, la pression réglementaire et la digitalisation du commerce (marketplaces, drives, QR codes, scores environnementaux, etc.) amplifient encore ce mouvement : chaque attribut compte, chaque écart est visible. Pour beaucoup d’entreprises, investir dans la qualité de la donnée, c’est investir dans la durabilité et la crédibilité de leur marque. »
Comment expliquez-vous la présence récurrente d’erreurs dans les fiches produits ?
« Nous pouvons expliquer cela par les saisies. En effet, la qualité de la donnée d’un produit passe par la fiabilité de la source de cette donnée.
La donnée traverse différents systèmes jusqu’à se retrouver sur un site e-commerce. De fait, la donnée peut se dégrader, se désynchroniser, et être altérée par des interventions manuelles.
Deux facteurs peuvent rendre une donnée erronée. D’une part, les saisies de données (saisies à la source, données non à jour, saisies erronées, inversions d’attributs) qui nécessitent de plus en plus de connaissance technique : plus il y a d’informations à saisir, et plus des erreurs peuvent être faites.
D’autre part, plus la donnée traverse des systèmes, et plus elle a des chances d’être fausse à la fin, avec le risque de désynchronisation et de mises à jour manquées. »
Finalement, du point de vue responsabilité entre industriel et distributeur, qui est responsable en cas d’erreurs au niveau des allergènes (par exemple) sur un site de Drive distributeur ?
« C’est le propriétaire de la donnée, donc l’industriel, qui est légalement responsable, mais toutes les parties sont concernées car les distributeurs comme les fournisseurs sont liés les uns aux autres.
Des erreurs peuvent aussi émaner du distributeur, car quand la donnée arrive chez le distributeur, elle traverse différents systèmes et il peut y avoir des désynchronisations. Il est très fréquent que l’industriel envoie les bonnes données à l’origine, mais que ce ne sont finalement pas les mêmes données que l’on retrouve sur le drive du distributeur. Par exemple, en cas de versioning pour les fiches produits, le distributeur peut potentiellement ne pas prendre en compte la dernière version ou ne pas mettre à jour les visuels associés.
Avec ConsoTrust, nous avons beaucoup de valeur à apporter, à proposer des solutions all-in-one qui viennent remplacer ces différents systèmes. »
L’intelligence artificielle est sur toutes les lèvres, qu’est-ce qui vous distingue de vos concurrents ?
« Nous sommes très avancés avec l’intelligence artificielle puisque nous en faisons quasiment depuis le début de l’aventure. Nous avons nos propres modèles à la pointe de son application dans le monde de la grande distribution. Chez ConsoTrust, nous parlons moins de l’IA que ceux qui en font moins... En effet, notre discours est plus orienté métier et enjeux de nos clients, parce que l’IA n’est qu’un moyen, ce qui compte pour le client c’est le résultat final.
Par exemple, sur la partie extraction nous avons des modèles performants et fiables en temps réel. Ainsi, notre priorité est de répondre de plus en plus vite à de plus en plus d’enjeux clients grâce à l’IA. »
Quels sont les axes de développement prioritaires de ConsoTrust en 2025 ?
« Nous souhaitons aller au-delà de l’alimentaire et progressivement couvrir les enjeux de nouveaux marchés comme le DPH (Droguerie, Parfumerie, Hygiène), bricolage, jardin et l’électroménager.
Nous comptons nous développer à l’international notamment à travers les croissances externes du groupe. Nous avons également pour objectif d’accompagner les clients ConsoTrust (industriels à l'image de Nestlé, Mars, Pepsico ou distributeurs majeurs) qui peuvent avoir des besoins dans d’autres pays, avec une approche standardisée et une solution par pays. Être bien implantés en France nous met dans une position favorable pour se développer dans les autres pays où ces clients sont présents. »
